Volume 5, numéro 1, hiver 2014
Par Christine Danjou, inf., M. Sc. CSIG (C) et Rose-Anne Buteau, inf., Ph. D.
La Collaboration Cochrane à Québec : de la découverte du Nouveau Monde à la mondialisation de l'information!
En 1497, alors qu'ils voyageaient vers le Cap de Bonne-Espérance, le capitaine portugais Vasco de Gama et son équipage ont contracté une étrange maladie. Ainsi, en plus de découvrir de nouvelles contrées, l'Europe découvrait le scorbut.
Près de 100 ans plus tard, Sir Richard Hawkins identifiait que le citron prévenait et guérissait cette terrible maladie. Malheureusement, la conservation des citrons coûtait cher et les matelots, beaucoup moins! De nombreuses décennies se sont écoulées et beaucoup de matelots sont morts. C'est en 1747 que le chirurgien naval Charles Lind tenta une expérience. Il administra, à six duos de matelots atteints de scorbut, six substances différentes afin d'observer lequel d'entre eux guérirait. Seul un duo s'en sortit, ces matelots avaient mangé un citron et deux oranges. Le Dr Lind publia ses résultats dans un Traité du scorbut et, malgré plusieurs biais, ce fut le tout premier essai clinique contrôlé publié de l'histoire.
En dépit de ses débuts un peu houleux, la production d'articles scientifiques a connu un essor vertigineux au cours des derniers siècles. Le précurseur de l'index de littérature médicale, la US National Library of Medicine (NLM), devenue aujourd'hui NLM's MEDLINE, a permis aux professionnels de la santé de s'y retrouver. Par contre, avec les années, cette abondance dans la transcription des résultats de recherche plonge les cliniciens et les décideurs dans une mer de connaissances. En 1865, 1 600 références y étaient répertoriées. Aujourd'hui, ce sont plus de 10 millions qui y sont classifiées (Bastian, Glasziou & Chalmers, 2010). Parmi ces références, la majorité est constituée de revues narratives ou basées sur des histoires de cas, très peu sont systématiques (Bastian et coll.). Devant ce fait, le professeur Archie Cochrane a conçu l'idée d'un regroupement de créateurs et de diffuseurs de revues systématiques permettant aux médecins, et aujourd'hui à tous les professionnels de la santé, d'accéder à des synthèses de données probantes. De ses débuts modestes, et à cent lieues de la facilité de consultation qu'offre internet, la Collaboration Cochrane a vu le jour en 1992-1993.
Aujourd'hui, 21 ans plus tard, la Collaboration Cochrane regroupe plus de 31 000 professionnels provenant de 120 pays, et plus de 5 600 revues systématiques y ont été produites. La vision d'Archie Cochrane se poursuit avec la même intention qu'initialement : produire plus de revues systématiques répondant aux besoins des utilisateurs, les rendre accessibles dans différentes langues et applicables dans des réalités différentes. Après plusieurs années de travaux, comme annoncé officiellement lors du 21e Colloque Cochrane, une branche de la Collaboration Cochrane voit le jour à Québec. Sous la codirection scientifique de la Dre France Légaré, cette filiale aura trois principaux objectifs (Huppé et St-Pierre, 2013) :
Cette annonce ouvre la porte à la reconnaissance et à la transmission du savoir produit par les chercheurs et les cliniciens du Québec partout dans le monde. En plus de se tailler une place enviable dans l'univers de la recherche médicale, la Collaboration Cochrane de Québec permettra aux médecins cliniciens, aux infirmières et aux autres professionnels de la santé d'offrir des soins à la fine pointe de la connaissance.
Bien du chemin a été parcouru depuis la traversée vers le Nouveau Monde et, avec la mondialisation de l'information, bien du chemin reste encore à parcourir. À preuve, les premiers pas d'une quatrième génération de synthèse de l'information, les récapitulatifs de revues (Overviews of reviews) tels que « Epistemonikos » ont vu le jour.
Explorez-le et mangez des agrumes!
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